L'Islam en Inde

Publié le par Thibault

En ce début d’année civile, nous retrouvons un article plus classique, sans trop de photos ni de récits extraordinaires.

Tout de même quelques échos de ce mois de décembre…

·         La rentrée scolaire a bien eu lieu le 18 (au lieu du 15), mais le 20 au soir nous étions en vacances de Noël jusqu’au 2 janvier. Bref, ça recommence tout juste, et je compte à peine un quart des effectifs présents. Sur des classes de dix… Mais je crois que je ne m’en étonne même plus. Passons.

 

·         Noël fut célébré auprès des Pères Cornu et Legrand, à Bangalore, avec la plupart des volontaires MEP de l’Inde du Sud. S’est joint à nous, pour notre plus grand plaisir, Basile Caire, ami de mes années à Saint Cyr l’École (puis de Candé lors de Routes et récollections), qui a pu quitter sa lieutenance besançonnaise pour quelques semaines de perm, et ainsi rendre visite à sa sœur Anne-Marie… volontaire MEP à Bangalore ! Après les Vêpres et une longue oraison préparatoire à cette douce nuit si différente, nous chantâmes avec les anges de nos campagnes indiennes la naissance du Divin Enfant. Et, comme toujours chez les Gaulois, cette belle Nuit prit fin avec un somptueux Festin. Les bardes purent y prendre place…

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·         Entre Noël et la saint Sylvestre, je passais quelques jours (photo ci-dessus) chez le Père Henri Bonnal, MEP, curé d’une paroisse qu’il a entièrement bâtie, et qui donne la vie chrétienne à une quinzaine de familles. J’ai pu y découvrir ce que pouvait être la vie missionnaire « de base », c'est-à-dire d’être envoyé par l’Évêque à un endroit où il n’y a pas de chrétiens, ou presque, et d’y vivre l’Évangile. Et, si Dieu veut, de faire des disciples. Ce fut une forte expérience, et ce qui m’a profondément marqué est la force de ce prêtre dans la solitude. Immersion totale, au service d’une population à « adopter ». Pas évident, et, évidemment, travail de longue haleine. Lorsqu’il a fini le défrichage (15 ans environ), on envoie un prêtre indien et lui part bâtir une autre paroisse dans une autre jungle. Avant de venir ici, je n’imaginais pas qu’une telle vie missionnaire puisse encore exister de nos jours. Et bien si, et c’est assez bouleversant. Parce qu’ils ont vraiment tout laissé pour partir parler du Christ dans des langues souvent difficiles, auprès de populations dont les mœurs sont parfois bien différentes des nôtres. Et ils vivent avec eux, comme eux. ça donne envie de revoir Mission, avec cette douce musique de Morricone. Sans doute avec un œil neuf.

 

·         Pour le réveillon du 31, nous nous sommes retrouvés entre volontaires dans la grande baraque d’expats français partis de Bangalore pour retrouver leur famille. Ce fut très réussi : Coteaux du Layon, foie gras (merci maman…), terrine de magret de canard (re-merci), etc.…

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·         Avant-hier, Basile est venu passer une journée à Mysore, et cette bonne journée clôtura une longue période festive. Retour nécessaire à l’ordinaire (ne doutez pas qu’il y ait un ordinaire ici !), et à un emploi du temps plus régulier. Tout cela en sachant que cela ne durera pas bien longtemps, puisque je pars le lundi 21 janvier au soir pour renouveler mon Visa (pour 6 autres mois)…à Bangkok, en Thaïlande. Merci les MEP… Je devrais en profiter pour faire un passage au Cambodge, où Bruno Morel est volontaire MEP. On aura le temps d’évoquer tout cela plus tard…retour à l’ordinaire, dis-je ! Un effort !

 

Pour que ce blog garde tout de même son côté « découverte et partage » (ça sonne comme le nom d’une commission de la conférence des Évêques de France…), je voudrai aborder le sujet de l’Islam en Inde. Juste quelques mots, parce que je ne connais pas bien du tout. Mais je vous fais part de ce que j’ai remarqué ou entendu dans mes discussions.

Mon oncle Bernard Lozé laissait sur ce blog un commentaire à propos de l’assassinat de madame Bhutto au Pakistan, appelant de ses vœux l’avènement d’un Islam des Lumières… L’expression est belle, et fait écho au courant martyr du soufisme. Il s’agirait de raisonner l’Islam, de lui donner une assise rationnelle. Aucune religion ne peut se soustraire à la raison, et de ce fait aucune religion ne peut légitimer l’agression violente comme moyen de témoignage. Sans relancer le débat, c’est en substance ce que Benoît XVI avait écrit dans son intervention (http://www.radiovaticana.org/fr1/Articolo.asp?c=95586) de Ratisbonne, pour ceux qui ont eu la bonne idée de ne pas se contenter d’en lire la critique dans la Presse. Ne pas permettre que foi et raison s’opposent, Dieu donnant l’une par grâce et l’autre par Création (voir aussi Jean Paul II, Fides et Ratio).

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L’Islam que je côtoie ici n’est pas violent (mis à part les décibels du minaret !), et les musulmans ont leurs quartiers dans chaque ville Indienne. Un peu d’histoire grossière : lors de l’Indépendance de l’Inde (1947), les musulmans sentaient que leur leader Jinnah ne pourrait prendre l’ascendant ni sur Gandhi, qui aurait pourtant sans doute accepté de renoncer au pouvoir, ni surtout sur Nehru. Assoiffé de pouvoir, Jinnah menace l’Inde de se retrouver à feu et à sang par le fait des musulmans s’ils n’obtenaient pas la partition de l’Inde, c'est-à-dire le Pouvoir sur certaines régions de l’Inde. Bien qu’opposés à cette partition, Lord Mountbatten (Vice-roi Britannique), Nehru et Gandhi prennent peur de l’éventualité d’une telle révolte. Les musulmans sont alors - comme aujourd’hui - partout en Inde, vivant au milieu des Hindous, Sikhs et Chrétiens. La Partition est acceptée, le Pakistan est né. Les musulmans d’Inde, en très grande majorité, ne quittent pas leurs lieux indiens ; en revanche les hindous fuient le nouveaux pays décrété islamique. Des dizaines de milliers de morts auront raison de cette partition et des déracinements occasionnés.

Alors, lorsque les matchs de cricket opposent le Pakistan et l’Inde, et que le Pakistan gagne, rien n’exaspère plus les Indiens non musulmans de voir les musulmans indiens se réjouir de cette victoire. Les musulmans sont avant tout musulmans. Ils se présentent d’ailleurs à vous comme tels. Ils sont attachés à l’Inde, bien sûr, car ici le nationalisme est enseigné dès les plus petites classes : « Our India is great », lit-on sur les camions. Pourtant, ces musulmans sont considérés par les non musulmans comme un peu à part. D’ailleurs, ils vivent entre eux. Ici, le communautarisme est institution. En discutant avec les chrétiens ou les hindous des musulmans, je retrouve dans leur jugement un peu du « juif apatride » européen du XIXème siècle.

Pourtant, je dois dire que mon rapport personnel aux musulmans, ici, est assez riche. Le seul bon ami Indien que j’ai, Shouaib, est musulman. Nos discussions sont toujours passionantes. Leur tradition d’accueil est toujours plus confirmée. En tant que minorité, ils sont très proches des chrétiens. Le parti nationaliste hindouiste BJP, qui appelle sans cesse les Indiens non hindous à revenir à leur véritable religion, a une conception ethnico-religieuse de son pays. Ce parti est, selon les élections et les régions, premier ou second parti indien. Ils sont férocement antimusulmans, et antichrétiens (Encore tout recemment, la nuit de Noël, des activistes ont enfermés des religieuses dans leur Église et y ont mis le feu…). Les uns les ont envahis progressivement (premier État arabe musulman au Sind, Nord Ouest de l’Inde, en 712), les autres détruisent leur système multiséculaire des castes. C’est donc une défense identitaire. Cet état d’esprit, que l’on peut comprendre, entraine une fermeture d’Esprit chez les Indiens qui se retrouve beaucoup plus chez les Hindous que chez les musulmans. C’est la différence entre l’Islam expansif et l’Hindouisme défensif. J’insiste sur le fait que ce que j’écris n’a rien de scientifique, et n’est le fruit que de ce que j’ai pu percevoir.

Aussi, si l’Islam que je côtoie est visible (femmes voilées et toutes de noir vêtues), audible (j’en ai déjà fait écho…), il n’est pas nuisible. La jeunesse musulmane semble ne poser aucun problème, elle est obéissante et travailleuse (mes meilleurs étudiants sont musulmans). Ce que je pourrais écrire pour conclure, c’est que les musulmans et les Hindous vivent les uns à côté des autres, parfois en étant très serrés, mais je me demande s’ils vivent ensemble. Cela semble s’atténuer chez les dernières générations, surtout de milieux aisés. Ils s’occidentalisent à grande vitesse. Et donc, se désolidarisent de leur religion, en en gardant un vernis identitaire. Ils s’ouvrent au monde, par Internet notamment. C’est une première vague… Alors l’Islam des lumières, oui, on peut le souhaiter pour le monde. Pour le Pakistan, pour l’Inde aussi. Et pour la France, soit dit en passant. Parce que l’UOIF, quasi majoritaire au sein du CFCM, ça ne me rassure pas plus que le meurtre de Madame Bhutto ne rassure les Pakistanais. Mais là je m’éloigne du sujet...

Je reconnais que toutes ces bribes à propos de l’Islam indien sont quelque peu décousues, et fortement incomplètes. Je n’ai pas mentionné les différents et fréquents attentats islamistes qui trouvent place en Inde, parce que ce n’est pas l’image que moi j’en ai. Le prosélytisme religieux musulman ne me dérange pas ici. Il me réveille, à l’instar du Muezzin. Il m’invite à aller plus loin dans le témoignage de ma propre foi, dans mes réflexions. Je vous livre celle-ci : je crois que l’Islam est beau quand il ne menace pas. Un peu l’Islam qu’avait découvert Charles de Foucauld. Or il semble souvent nous menacer, en France ou ailleurs. Ne serait-ce qu’une menace culturelle. Ici, j’ai changé de regard. Parce que je ne vois pas de menace, mais seulement une présence. L’Islam que je côtoie, c’est une religion qui s’impose, certes, à nos yeux et nos oreilles. Mais tout autant que l’Hindouisme. Et dans une société comme l’Inde, si naturellement religieuse, ce concours de religion n’effraie pas, il rassure. Ici, au moins, Dieu n’est pas oublié. Même si l’homme, lui, l’est souvent… Manque donc une certaine conception (lumineuse ?) de Dieu, et de l’Homme. Notre mission a donc bien un sens.

 

Je termine en confiant à votre prière deux handicapés de mon centre décédés cette semaine, ainsi que Sylvain, jeune papa de 2 enfants de 8 et 7 ans atteint d'une tumeur au cerveau.

 De dessous mes palmiers, protection nécessaire face aux chaleurs de fin d’hiver (il fait à nouveau 30 degrés l'apres-midi…), je pense bien à vous !

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D
Thibault,<br /> <br /> Que 2008 t'apporte tout ce qu'il y a de meilleur dans les domaines de la santé, des relations humaines, de la foi et de l'Espérance...<br /> <br /> Respectueuse amitié. <br /> <br /> Hervé de Saint-Exupéry
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B
mon bon thib,<br /> <br /> De nouveau merci pour ton nouvel article, d'ici qques jours un nouveau mail perso suivra.<br /> Gros bisous bon courage, donne un bon coup de boul fraternel à "burno" et sers toi bien au passage<br /> Thomas et bertrand
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C
salut thib <br /> il y a bien longtemps que tu nous as fait part de tes reflexions méditations : le 4 janvier ??<br /> comment vas tu toi !après toutes ces découvertes très enrichissantes? es tu débordé par tes activités? <br /> bref dans l'attente de pouvoir te lire<br /> a+ catherine
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J
Marrant, ton point de vue sur les rapports entre musulmans et indous. Je dirais que je le partage entièrement. Et si, cet "Islam des lumières" dont tu parles venait finalement de l'Inde ?<br /> J'espère que tout va bien au college.<br /> Salut à tout le monde.<br /> Shoaib notamment.<br /> à pluche
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V
salut Thibal, je sais je suis un peut en retard mais je voulais finir d'avoir lu tes articles avant (la lecture n'est pas mon truc) mais SAINTE et Heureuse année 2008 UDP Véral
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