Retour d'experience 2 - Darjeeling

Publié le par Thibault


    
Nous quittons Mère Teresa, non sans amertume face à notre petitesse, avec quelques unes de ses maximes qui m’ont particulièrement touchées :

 

·         Le fruit du silence, c’est la prière ;

Le fruit de la prière, c’est la foi ;

Le fruit de la foi, c’est l’amour ;

Le fruit de l’amour, c’est le service ;

Le fruit du service, c’est la paix.

 

·         « Give until it hurts ». Donne jusqu’à en avoir mal.

 

·         Au Ciel, le Seigneur ne nous demandera pas si notre supérieur était saint, mais : « m’as-tu obéi ? ».

 

C’est avec ces paroles en tête, sorte de complainte obstinée et insistante dont chacune des notes semble m’inviter à me donner davantage, que je laisse derrière moi Calcutta et sa sainte.

En une nuit de train, je rejoins Amaury Civrac de Fabian, volontaire MEP à 600 Km au nord de Calcutta, à côté de Jalpaiguri. Cette ville est située dans le couloir étroit frontalier du Népal, du Royaume du Bhoutan et du Bangladesh, reliant la grande Inde et l’Inde du Nord-est.

HSP-Jalpaiguri--23-.JPG
       
       Amaury est arrivé en septembre, et est là lui aussi pour un an. Il vit à Maria Basti, petit village de campagne paumé, et s’occupe de toutes sortes de choses dans un centre de jeunes femmes handicapées. Il s’occupe néanmoins et avant tout de ces jeunes filles, passe beaucoup de temps avec elles pour leur éviter de regarder la télé, fléau de la société indienne une fois la nuit tombée (à 16h30…). Après avoir été accueilli avec des pétales de roses répandues sur la tête, et encensé au sens propre du terme par deux jeunes pensionnaires, l’on oint d’un baume mon front auquel il manque le troisième œil, celui de l’Esprit. On me lave les pieds et on me les embrasse. On se laisse faire, et on commence à croire profondément en l’universalité du message évangélique, en retrouvant ce geste du Christ ancré au plus profond de la culture Hindoue.

Puis Amaury me présente ce qu’est sa mission ici. Il traie les vaches, organise les ateliers de production de petits objets qui seront vendus en France au profit d’Howrah South Point, l’association qui gère ce centre. HSP-Jalpaiguri--9-.JPG

          J’envie sa mission, et me dis que c’est de cette pauvreté radicale dont j’aurai eu besoin pendant un an. Oui, mais je n’aurai pas vécu tout ce que je vous raconte ; de plus ma mission à Mysore me laisse le temps de la prière et du discernement, raison de ma présence ici. Pas de regret, donc. Seulement une certaine admiration pour Amaury, qui parle le bengali (langue de la région) comme je parle l’Anglais, en deux mois seulement. Et de l’émerveillement pour cette campagne silencieuse, trop rare en Inde. Cette maison est un véritable paradis, si calme, si porteuse pour ces jeunes handicapées. Et puis, avant de rejoindre la chapelle des frères missionnaires des environs pour la Messe de 06h00, on se prend au spectacle de cette chaîne de l’Himalaya illuminée par les rayons roses du soleil levant. Là, devant moi, a plusieurs centaines de kilomètres, se dresse au dessus des jardins de Thé (ci dessous en photo) le deuxième (ou troisième, il y a débat…) plus haut sommet du monde ( Photo du haut). La montagne m’appelle. Il faut partir !HSP-Jalpaiguri--3-.JPG

Quelques heures plus tard, avec Amaury pour compagnon de route, je roule vers Siliguri, pour y attraper un 4x4 qui nous monte à Darjeeling. Nous mettons, en tout, bien 7 ou 8 heures. Mais le jeu en vaut la chandelle : peu à peu, malgré les gaz des véhicules, nous respirons un air pur et frais (10°C) que nous avions laissé en France (si, si !). Le paysage, grandiose, nous enivre. Nous filons, dès notre arrivée, rencontrer l’Évêque de Darjeeling, SE Mgr Stephen Lepcha. Le Père Colomb, Vicaire Général des MEP, m’avais mis en contact. Et c’est une chance : nous passons plus d’une heure à discuter avec cet homme chaleureux  de son diocèse, qui couvre la région de Darjeeling (partie de l’État indien du West Bengale), l’Etat indien du Sikkim, et le royaume du Bhoutan. Il nous présente une Église florissante, avec de nombreuses vocations. Un diocèse dans lequel se trouvent 30% de Chrétiens, autant de Bouddhistes, et des représentations importantes de toutes les autres religions indiennes (Hindouisme, Islam, etc…). Il nous parle de la vocation des chrétiens comme d’un poste dans une équipe de foot. Choisir le poste pour lequel on a des qualités, et jouer ce rôle à fond ; Dieu est capitaine… Image assez réjouissante de la part d’un pays qui ne s’intéresse qu’au cricket ! C’est là que l’on sent que Darjeeling, ce n’est plus vraiment l’Inde. On y parle le Népali, on y trouve une grande majorité de gens de type népalais, la peau jaune tannée et les yeux semi-clos. On y trouve le silence, et il n’y a pas de rickshaws… Ici, même les prêtres sont séparatistes. Un peu comme les Padre des années 60 en Amérique du Sud ou en Asie du sud-est plus récemment face aux régimes totalisants, ils se battent et prêchent. Amusant. Compréhensible, aussi. Nous ne nous sentons pas vraiment en Inde là-bas. Eux non plus semble-t-il. Ils veulent leur État Indien à eux. Mais la manne touristique que représente Darjeeling pour le West-Bengale semble empêcher une telle séparation.


      
           Après avoir été hébergé par l’Évêque (La Bishop's House, so british, ci-dessus) et avoir pris le petit déjeuner du lendemain à sa table, nous courons en haut de la colline de Darjeeling pour admirer le paysage qui s’offre à nos yeux : nous voyons sans un nuage le sommet évoqué plus haut, c’est grandiose ! Cette vue n’est possible qu’une cinquantaine de jours par an, le reste du temps le « fog » cache jusqu’aux colline d’en face… La vidéo ci-dessus vous fera partager ce pur moment de bonheur. Puis nous prenons un 4x4 pour un périple préparé par Mgr Lepcha à notre intention : en passant par Kalimpong, nous rejoignons Pédong, paroisse fondée par les MEP au XIXème siècle. Village paumé dans la montagne. Nous sommes accueillis par le curé, qui nous dit avoir reçu un coup de fil de l’Évêque le prévenant de l’arrivée de deux de ses amis… Nous sommes accueillis royalement. Avec des délicieuses pièces de bœuf bouillies façon népalaise, en guise…d’apéritif ! Un whisky, puis…un deuxième. Nous passons à table, tandis que notre hôte nous parle de sa paroisse. Rencontre d’une nouvelle réalité chrétienne, encore différente des autres lieux visités. Ici, ils semblent avoir été marqués par les missionnaires Mep, puis par les chanoines réguliers de Saint Maurice en Valais, Suisses (au service de la paroisse des années trente aux années 70 ; une belle communauté que j’avais eu l’occasion de rencontrer deux fois avec la communauté Saint-Martin, lors de nos voyages en Suisse). Une grande croix de pierre, dressée en 1880 par un des pères missionnaires français, rappelle que Pédong fut le point de départ de la Mission du Tibet, mission qui n’a jamais pu être concrétisée du fait du refus des autorités tibétaines. Cette croix est une prière continue pour la conversion du Tibet, et les chrétiens locaux, qui se sentent proche des tibétains (ils ne sont qu’à quelques dizaines de Km), semblent très fiers de cette Croix (ci-dessous, face au Tibet), ouverture spirituelle pour une contrée envahie par une puissance athée.

Pedong--19-.JPGNous faisons également à Pédong la découverte d’une paroisse très vivante, et d’une école renommée dans toute la région, ensemble dont les fondateurs, enterrés sur place loin de leur France natale, doivent être fiers. Nous avons chanté un Requiem sur leur tombe, en les remerciant de ce travail extraordinaire légué à la population de cette contrée. Aujourd’hui, outre la paroisse et ses écoles, outre son musée dédiés à ces missionnaires, les habitants de Pédong et de Kalimpong détiennent un héritage précieux du passage de ces prêtres barbus : le fromage de Kalimpong, seul VRAI fromage de toute l’Inde. Extraordinaire. Mon ventre gargouille en écrivant ces lignes…

En rentrant à Jalpaiguri, après ces quatre jours, j’ai eu l’occasion de croiser quelques instants le sourire du père François Laborde, français, et fondateur de l’association HSP. C’est lui qui a servi de portrait de fond pour le personnage du prêtre dans « La cité de la joie ». Ne lui parlez pas du résultat, je crois qu’il n’est pas tout à fait satisfait de l’œuvre de D. Lapierre. En tous cas, après des années vécues dans un slum de Calcutta, ce prêtre à la vie toute donnée à l’Inde et à ses pauvres me laisse à son tour, après le témoignage de Mère Teresa, un net appel à une sainteté plus radicale. Parce que par sa vie, il nous montre que c’est possible. Impressionnant. Je ne l’ai vu que quelques minutes.

Ces quelques jours dans les contreforts de l’Himalaya furent un vrai bol d’air frais, tant spirituel que naturel. Merci à Amaury pour sa présence. Encore de nouvelles découvertes spirituelles à faire fructifier…

Suite du périple dans le prochain article !

Pas d’intention de prière particulière, si ce n’est une immense action de grâce pour la naissance de Melchior chez Alain et Elodie Le Gendre. Deo gratias !

Darjeeling--11-.JPG
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article